Le VéloSolex, passion locale

Vous les avez sans doute déjà vu passer dans votre rue à vive allure (mais bien en dessous des 50 km/h…), très à l’aise sur leurs engins noirs (mais aussi parfois en couleur) équipés d’un curieux moteur posé sur la roue avant et sans doute millésimés des années 50 ou 60…

Le VéloSolex, passion locale - Cheverny et Cour-Cheverny
Le Solex, d'une cylindrée de 49 cm3 
s'invite dans ce n°49 ! Le modèle 
3800 a été produit à plus d'1  million 
d'exemplaires

La Grenouille a enquêté auprès de cette population locale discrète (sauf problème d’échappement…) constituant un réseau informel de « passionnés solidaires » qui permettent à ces engins d’une autre époque de vivre une seconde vie. Quelques-uns d’entre eux, que nous nommerons « Solexistes anonymes » (S. A.), ont bien voulu nous apporter leur témoignage et nous faire partager leur passion pour cet engin devenu mythique… 

Le VéloSolex, une vraie présence dans nos communes
Solexiste Anonyme : « Sans avoir fait de recherches exhaustives, nous recensons aujourd’hui au moins 25 propriétaires de VéloSolex sur les communes de Cheverny et Cour-Cheverny. Certains d’entre eux en possédant plusieurs, on peut évaluer le parc local à plus de 40 engins en état de fonctionnement, auxquels il faudrait ajouter ceux qui dorment encore au fond d’une grange, en attente de restauration. Ces amateurs du "cyclomoteur à galet" sont souvent des retraités (qui l’ont pratiqué dans leur jeunesse…), mais figurent aussi parmi eux bon nombre d’actifs qui ont découvert plus récemment cette belle mécanique qui les a vite conquis…». 

L’origine du cyclomoteur à galet 

Le VéloSolex, passion locale - Cheverny et Cour-Cheverny
Belle affiche de l’époque
signée René Ravo.
Au début du XXe siècle, Maurice Goudard et Marcel Mennesson commencent leur carrière d’industriels en fabriquant des radiateurs centrifuges pour automobiles, puis s’engagent dans la technique du carburateur et déposent la marque Solex pour ce produit dont la fabrication commence vers 1935. Ils se lancent ensuite, avec une petite équipe, dans l’invention et la mise au point d’un moteur pour bicyclette, dont le premier essai s’effectue en 1940, avec un moteur de 45 cm3.
En 1946, la production de la « bicyclette à moteur Solex » débute dans une usine de Courbevoie, et durera une quarantaine d’années. Le VéloSolex, puisqu’il se nomme désormais ainsi, est produit dans plusieurs usines en France, et construit sous licence à l’étranger, notamment en Suisse, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas, et exporté dans plus de 70 pays. Après 1973, la fabrication passera sous l’égide de diverses entreprises dont Renault, Peugeot Cycles, Gitane, Motobécane et MBK (précédemment Motobécane-Motoconfort devenue en 1986 filiale du groupe japonais Yamaha), et se poursuivra quelques années en Hongrie. 

Le fonctionnement
S. A. :
« La caractéristique du VéloSolex, c’est son fameux galet : entraîné par un moteur deux temps refroidi par air, il est en contact avec le pneu de la roue avant pour assurer l’avancement de l’engin. Les premières séries ont produit des cyclomoteurs sans embrayage : il faut relever le moteur à l’arrêt, sinon il cale… ». 

L'évolution au fil du temps
Le matériel a régulièrement évolué, pour devenir plus fiable, plus puissant, plus ergonomique (le diamètre des roues a par exemple progressivement diminué) ou plus attrayant avec l’apparition de couleurs vives... Mais le principe de fonctionnement du moteur est toujours resté le même, avec des organes très spécifiques qui figurent sur les photos ci-dessous. La société Solex a produit de nombreux modèles de cyclomoteurs à galet : le VéloSolex 45 (moteur de 45 cm3) en 1946, puis le 330 (moteur de 49 cm3, en 1953), le 660, le 1010, le 1400, le 1700 (le premier VéloSolex avec embrayage), le 2200, le 3300 (frein à tambour à l’arrière), le 3800, et le 5000 en 1971, avec de petites roues et de la couleur, pour lui donner une allure de jeunesse et relancer les ventes qui avaient tendance à baisser… Citons aussi le PliSolex (pliant), ou le Micron (de toute petite taille, en petite série).
Ces numéros correspondent à des quantités produites, sorties des usines Solex… Le 330 correspond au 330 000 e VéloSolex fabriqué, le 1010 au millionième, le 3 800 au 3 800 000 e, etc. Ce qui fait qu’avec le numéro de série du moteur, gravé sur le carter, on peut facilement retrouver l’année de fabrication de l’engin. 

Le VéloSolex a été produit à plus de 7 millions d’exemplaires… Pas étonnant qu’il en ressort encore de nos jours régulièrement des greniers et des granges… Mentionnons aussi l’existence de quelques autres cyclomoteurs à galet : le Vélovap présent aussi sur nos communes (Société ABG/ VAP), et le Bima (galet entraîneur sur la roue arrière, construit par Peugeot).
Le VéloSolex pouvait également être équipé d’accessoires très divers, fabriqués par différents fournisseurs : le pare-chute pour protéger le moteur, le porte-bidon, le siège d’enfant, et bien d’autres… Il a même existé un chauffe-mains, placé sur le guidon, qui récupérait la chaleur du moteur pour le confort du pilote en hiver… 

Le VéloSolex bien représenté localement
S. A. : « À notre connaissance, tous les modèles sont présents sur nos communes sauf sans doute le Micron, qui est rare car fabriqué en très petite série. Ils sont souvent d’origine familiale (propriété des parents ou grands-parents dans leur jeunesse) ; d’autres ont été trouvés sur des bourses motos, des brocantes ou des vide-greniers, ou par le bouche à oreille qui permet de sortir ce matériel enfoui dans une grange depuis plusieurs décennies, ou sur des sites internet nombreux à proposer ce genre de matériel en occasion, 
dans des états de conservation très divers... ».
Une de nos lectrices roule sur le VéloSolex que ses parents lui avaient offert pour son brevet en 1971, et récemment restauré… Un Courchois a un jour découvert un VéloSolex très ancien dissimulé sous un tas de bois dans la grange appartenant autrefois à son beau-père… Un autre Courchois nous a évoqué le souvenir de sa mère qui l’emmenait à l’école sur le porte-bagage de son VéloSolex qui a redémarré il y a quelques années après 35 ans de sommeil… Ces engins "familiaux" ont alors une réelle valeur sentimentale et leur restauration constitue un bel hommage à l’ancien propriétaire.
S.A. : « Nous avons même connu une maison, vendue il y a quelques années à Cheverny et qui abritait dans une dépendance quatre VéloSolex et des pièces détachées… : heureux acheteur ! (la maison avait appartenu à un réparateur de cyclomoteurs… ) »

La restauration, passion et plaisir 
S. A. : « Il s’agit la plupart du temps d’un travail d’amateurs passionnés, qui échangent leurs soucis, leurs savoir-faire, leurs matériels et leurs pièces… Localement, cette entraide fonctionne très bien…, et permet de trouver rapidement des solutions simples pour résoudre la plupart des problèmes. On peut passer une cinquantaine d’heures pour restaurer l’engin : montage, démontage, réglage, mais aussi recherche d’informations et de documentation (notamment sur internet, avec de nombreux sites, forums, associations, etc.) et de pièces de rechange. Pour les modèles les plus récents, les pièces sont refabriquées (parfois loin de la France…), mais pour les modèles plus anciens, les pièces (d’occasion) deviennent rares, et chères… On pratique deux types de restauration : le plus souvent on laisse l’engin "dans son jus", en faisant le nécessaire pour qu’il puisse rouler, en se consacrant essentiellement au moteur ; on peut aussi pratiquer une restauration totale où tout est démonté (environ 400 pièces en comptant tous les écrous, les vis et les rondelles) avec sablage du cadre, peinture, zingage de la visserie, chromage, etc. On passe aussi du temps pour le rodage, qui consiste à rouler environ 200 km à allure modérée, en vérifiant que tout fonctionne… »

La vitesse…, mais quelle vitesse ? 
S. A. : « Le VéloSolex 45 roule sur le plat aux environs de 22 km/h, c’est plutôt un engin de collection qu’un véhicule pour faire de longues sorties ; avec le 1010, un vrai "vélo à moteur" très agréable, équipé d’un moteur léger car sans embrayage mais déjà plus puissant que ses prédécesseurs, c’est du 25 km/h. Ces VéloSolex de première génération demandent à être aidés avec les mollets pour se lancer ou pour gravir les côtes... Avec un 2200 et les modèles suivants c’est du 35 km/h (vitesse de pointe), voire plus avec un vent favorable..., et quasiment plus besoin de pédaler, sauf panne éventuelle... À noter que le développement est bien étudié (pour les cyclistes : développement de 32 x 16), et le pédalage n’est pas trop fatigant, avec une selle large et confortable… On peut donc être solexiste et sportif, à condition de tomber en panne !… D’autres engins ont été transformés pour la compétition et peuvent atteindre les 70 km/h, mais point de cela dans nos campagnes… ». 

La Sologne en cyclomoteur à galet

Quand deux « solexistes » se rencontrent, de quoi donc parlent-ils ? 

S. A. : « D’abord de la santé des engins : la dernière modification, le dernier souci de démarrage, … et on aborde ensuite la question : "On va où ?". Le relief de nos communes et des alentours est très adapté à ce cyclomoteur à galet… L’avenue du Château se monte sans pédaler (en principe, si tout fonctionne bien…), mais même pour les plus performants, la côte des Huards demandera sans doute quelques coups de pédales dans les derniers mètres… Cela dépend de la puissance de l’engin, mais aussi du gabarit du pilote… : lors des sorties de 30 à 40 km (voire beaucoup plus…), il est parfois de bon ton d’échanger les engins pour rapprocher les rapports poids sur la selle / puissance, afin que tout le monde roule à la même vitesse… Avec une moyenne de 30 km/h, on voit du pays en un après-midi… ». 

Les sensations du pilote
S. A. :
« C’est un vrai plaisir de rouler sur un engin qu’on a restauré, soigné, bichonné…, en écoutant attentivement le bruit du moteur pour déceler le moindre signe de faiblesse…, et aussi de rencontrer des riverains qui vous sourient car cet engin évoquent pour eux des souvenirs de jeunesse… ("Quand j’étais au lycée, j’en avais un…"). D’autres, plus jeunes, manifestent leur étonnement car ils n’ont jamais vu un engin pareil… ». 

Le VéloSolex, passion locale - Cheverny et Cour-Cheverny
La Solexine, carburant
mythique 
lui aussi
Et la consommation ? 
S. A. : « C’est une question qu’on nous pose souvent. Le VéloSolex était vendu à l’époque pour une consommation de 1,4 l au 100 km, avec la fameuse "Solexine" commercialisée par la société BP. Aujourd’hui, on fabrique soi-même son mélange : essence sans plomb 98 et 2 % d’huile deux temps de synth
èse. On consomme environ 1,7 l au 100 km, ce qui permet de rouler environ 80 km avec le réservoir plein. Par prudence, toujours emporter un bidon de réserve, au cas où l’engin deviendrait gourmand ou que le trajet soit plus long que prévu. À noter que la boîte à outils, partie intégrante de l’engin, est d’un secours très appréciable pour les petits incidents de parcours qui font aussi le charme de cette pratique… ».
 

On nous précise aussi... 
S. A. : « Ne vous étonnez pas si vous rencontrez un solexiste de vos amis qui ne vous salue pas… Il vient sans doute de faire redémarrer un engin endormi depuis 30 ou 40 ans : les premiers kilomètres apportent une telle satisfaction au restaurateur qu’il peut traverser tout le village sur un petit nuage, sans voir personne… Vous le recroiserez peut-être aussi quelques minutes plus tard, l’air renfrogné, moteur relevé et pédalant pour rentrer à l’atelier afin de procéder à un petit réglage (au mieux), ou à un redémontage complet pour juguler la première panne. C’est aussi ce qui constitue la passion pour cette mécanique très particulière… ». 

Les précautions à prendre
S. A. : « Tout d’abord respecter les règles administratives : port du casque et de gants homologués, assurance, carte grise et plaque minéralogique réglementaire (depuis 2011). Et comme pour tout engin mécanique, il faut aussi rester prudent, surtout pour le freinage, qui n’est pas la vertu première du VéloSolex : il faut an-ti-ci-per…, et rester concentré… Mais avec un peu d’habitude on maîtrise très bien l a conduite »

Pour conclure, le saviez-vous ?
C’est parfois un VéloSolex qui transporte la revue La Grenouille jusqu’à votre boîte aux lettres… Il se dit aussi qu’un conseiller municipal d’une de nos deux communes roule en VéloSolex… C’est vous dire si c’est du sérieux !. 

P. L. 

(1) Le corindon est un minéral très dur, le plus dur après le diamant. 

Bibliographie : 
• Le petit monde du VéloSolex - Jean Goyard - Éditions Drivers 2008. 
• Le Guide du VéloSolex - Sylvie et Franck Méneret - Éditions E-T-A-I - 2006.

La Grenouille n°49 – novembre 2020




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