♫ La bonne aventure Ô Gué ! (1)

« La Grenouille » a rencontré Dominique Bouvault, propriétaire du domaine du Gué la Guette, implanté sur les territoires de Fontaines-en-Sologne et de Cour-Cheverny. Il partage son temps entre son activité de chef d’entreprise à Paris et celle d’éleveur de moutons au cœur de la Sologne.

Elevage de brebis au Gué la Guette à Cour-Cheverny et Fontaines-en-Sologne
Dominique Bouvault et ses brebis.
Reprise de l’exploitation familiale en Sologne
Dominique Bouvault : « Amoureux de la Sologne et bercé par le souvenir des moments heureux passés dans mon enfance (Thérèse Bouvault, sa mère, est née Lemaignen, famille bien connue à Cour-Cheverny) à la ferme de l’Ardinière (la ferme du domaine du Gué la Guette), j’ai repris en 2011 l’exploitation familiale, auparavant propriété de mon oncle Hubert, et c’est aujourd’hui une centaine de brebis solognotes qui gambadent sur 40 ha de prairies et 20 ha de forêts au sein du domaine.
Je suis passionné par l’agriculture et les méthodes d’agroécologie(2). Défenseur de cette région et de son territoire, je mets tout en oeuvre en compagnie d’autres éleveurs au sein du Syndicat de promotion et de défense de l’agneau de Sologne(3) pour protéger cette race.
Je souhaite mettre en avant ses qualités, avec un retour à l’élevage traditionnel et à la promotion du pâturage sur des prairies naturelles. J’agis avec la volonté de conser­ver l’authenticité du goût typique du terroir de Sologne. L’exploitation de ce domaine agricole me permet de me ressourcer, et j’ai plaisir à prolonger ainsi l’oeuvre des généra­tions précédentes, que ce soit sur des cycles longs comme ceux de l’exploitation forestière, ou plus courts comme celui de l’élevage mais qui représente un travail de longue haleine pour sauvegarder la race, ou de la culture des céréales en pratiquant l’agriculture de conservation (4). Cette activité est également une aventure familiale et une belle école de la vie pour mes enfants ».

L. G. : Comment avez-vous appris le métier ?
D. B. : « Dans mon enfance et mon adoles­cence, j’ai passé beaucoup de temps en fin de semaine et en vacances auprès de mon oncle, ce qui m’a permis d’apprendre en participant et en observant. Il m’a également appris à faire des piqûres, à identifier les animaux, et toutes sortes de pratiques des métiers de la ferme. Plus tard, j’ai également suivi des formations auprès de la Chambre d’agriculture et je continue à me former en échangeant régulièrement avec mes confrères sur diffé­rents sujets ».

L. G. : Quelles sont les particularités de la race solognote ? (5)
D. B. : « La race solognote est une race ovine pure, qui est adaptée à notre biotope. Véritable force de la nature, son côté rustique lui confère une résistance et une adaptabilité à toute épreuve. Les brebis solognotes sont capables de vivre toute l’année dehors, même avec les pieds dans l’eau. Elles valorisent la végétation pauvre des sous-bois, et per­mettent d’assurer le défrichage de certaines zones comme les bords de rivière ou d’étang. Leur instinct et leur débrouillardise en font des mères hors pair, capables d’agneler seules et de trouver dans la nature de quoi s’auto-médicamenter ».

Elevage de brebis au Gué la Guette à Cour-Cheverny et Fontaines-en-Sologne
Brebis solognotes
La race solognote a failli disparaître
Vers 1850, l’effectif était à son apogée, estimé à 300 000 têtes, sur une vaste étendue (Sologne, Val de Loire, Beauce et Gâtinais). Puis il a décliné au XXe siècle : en 1970, il ne restait plus que 300 brebis… C’est à cette époque que quelques professionnels se sont mobilisés pour conserver le caractère original de la race. On a ainsi créé des « familles » et un processus de reproduction rigoureux évitant la consanguinité. Depuis cette époque, ces éleveurs (une trentaine aujourd’hui en Sologne) cherchent à obtenir une labellisation (IGP ou AOP) (6), afin que sa qualité et sa particularité soient reconnues. On dénombre aujourd’hui environ 3 000 brebis solognotes dans les élevages répertoriés.
D. B. : « L’obtention de cette labellisation est un de mes objectifs et de mes espoirs. En attendant ce résultat, nous faisons tout pour promouvoir la race solognote… : par exemple, nous avons le plaisir de voir la viande d’agneau solognot proposée sur la carte de certains grands restaurants, qui apprécient son goût très particulier ».
La viande des brebis du domaine est commer­cialisée auprès de particuliers et de restaura­teurs locaux (7)
Elevage de brebis au Gué la Guette à Cour-Cheverny et Fontaines-en-Sologne
La promotion de la brebis solognote
dans la capitale
. La laine solognote est égale­ment très appréciée. À une certaine époque la laine n’était plus exploitée et donc jetée. Grâce à de nombreux passionnés de la profession, elle est de nos jours à nouveau valorisée.
D. B. : « Ces brebis, "stars" de la Sologne, pro­duisent une laine vraiment unique, de couleur bise. Un matériau de qualité, que j’apporte avec quatre de mes confères à l’atelier de filage "Aux Fils des Toisons" à Cellettes » (8).
Les brebis sont tondues début mai, mobilisant deux tondeurs professionnels, la famille et les amis, au cours d’une journée bien remplie. La toison (environ 1,5 kg par brebis) subit un premier tri sur place pour mettre de côté ce qui est impropre mais peut être utilisé, par exemple pour faire du paillage (la fibre garde l’humidité). Elle est ensuite triée plus finement par l’association, pour séparer la laine « feutrée » (les fibres se sont amalgamées en certains endroits), qui peut servir à créer de l’étoffe non tissée. La laine de qualité est ensuite lavée dans une entreprise spécialisée en Haute- Loire et filée dans une des dernières filatures artisanales de France, située dans la Creuse (les filatures ont depuis longtemps disparu de notre région…) pour fabriquer des pelotes de fil solognot, avec lequel l’association crée des vêtements de qualité : pulls, chaussettes, etc. Elle fabrique également des chaussons en feutre solognot.
À noter que certaines brebis ont la particularité de produire une laine brune en surface qui est en fait noire dans l’épaisseur de la toison : bien que non conforme aux spécificités de la race, c’est un produit appréciable car il permet d’obtenir une variété spécifique de laine sans avoir besoin de la teinter.

Merci à Dominique Bouvault de nous avoir fait partager sa passion et permis de mieux connaître la brebis solognote…

P. L. - La Grenouille n°52 - juillet 2021

(1) Comptine ancienne… Texte établi par Jean-Baptiste Weckerlin - 1870 (Wikipédia)
(2) L’agroécologie est un ensemble de théories et de pratiques agricoles nourries ou inspirées par les connaissances de l’écologie, de la science agronomique et du monde agricole (Wikipédia).
(3) www.agneau-de-sologne.fr
(4) L’Agriculture de conservation repose sur une combinaison des trois principes fonda­mentaux que sont la réduction du travail du sol, la couverture permanente et l’élaboration de rotations plus longues et plus diversifiées : chaque agriculteur adapte son système en fonction de son milieu et de ses objectifs - www.agriculture-de-conservation.com.
(5) Voir l’article « Brebis Solognotes Chemin des Béliers » - La Grenouille n° 26 - janvier 2015.
(6) IGP : Indication Géographique Protégée - AOP : Appellation d’Origine Protégée.
(7) Ferme du Gué la Guette : www.fermeglg.fr
(8) Association « Aux Fils des Toisons » : www.facebook.com/AuxFilsdesToisons - Voir aussi « Aux Fils des Toisons, la filière de la laine solognote renaît » : www.terresdeloire.com

La Grenouille n°52 - juillet 2021



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