Nos pompiers sur le front des incendies de forêt

Nos pompiers sur le front des incendies de forêt
Comme beaucoup d’autres sur tout le territoire français, les pompiers de Cour-Cheverny ont été sollicités pour apporter leur concours à la lutte contre les incendies de forêt qui ont marqué l’été 2022 dans de nombreuses régions.

C’est le « préfet de zone », basé à Rennes pour le Grand Ouest, qui est responsable de la préparation et de l'exécution des mesures de sécurité nationale au sein de cette zone, et c’est lui qui sollicite les SDIS(1) dans chaque département pour apporter le renfort nécessaire en hommes et en matériel sur les sinistres et autres catastrophes à gérer.
C’est ensuite au sein de chaque caserne qu’on sollicite des volontaires, en fonction de leurs qualifications (lutte contre les feux de forêt, conduite de véhicules spécifiques, etc.) et qu’on recherche le matériel nécessaire.

Nos pompiers sur le front des incendies de forêtIl faut alors parfois moins de quinze minutes au volontaire pour se décider et accepter ou pas la mission…, en tenant compte des contraintes familiales et professionnelles. Rappelons à ce sujet que les pompiers sont en grande majorité des volontaires (80 % au niveau du département, 100 % au niveau du centre de Cour-Cheverny). Les conventions employeur / SDIS établissent les conditions de disponibilité des sapeurs-pompiers pendant les périodes de travail pour la formation et les missions, et notamment un seuil maximum d’absences. Il est à noter que plusieurs des sapeurs-pompiers de Cour-Cheverny ont effectué leur mission sur leur temps de congés…
Une fois la mission acceptée, chacun reçoit le détail du paquetage à emporter, précisant notamment l’équipement individuel nécessaire à la mission.
Freddy Leveau, Christophe Gautier, Vincent Riverin et Baptiste Ansiaux ont pu se libérer et ont accepté ces missions qui les ont menés (séparément et à différentes périodes) en Gironde, Charente Maritime, Maine et Loire, Sarthe et Finistère.
Une fois la mission acceptée, on ne sait pas toujours si l’on part pour un ou plusieurs jours ou une semaine (c’est en principe la durée maximum pour ces missions)… Pas facile de préparer son sac dans ces conditions, mais c’est un détail…
Nos pompiers sur le front des incendies de forêt

Une expérience impressionnante
La plupart de nos quatre pompiers vivaient ce type de mission pour la première fois, ce qui n’a pas manqué de les impressionner, même pour les plus expérimentés, sous différents aspects :

-   le départ en « colonne »(2), très spectaculaire quand on sait que ce groupement d’hommes (90 environ) et de matériels (une trentaine de véhicules) peut s’étaler en un convoi d’un km de long… L’une de ces colonnes étaient commandée par un colonel du SDIS41.
-   l’arrivée sur place, au sein d’une organisation rigoureuse où le rôle de chaque unité est bien défini ;
-   la découverte des sinistres, et leur ampleur…  Difficile à imaginer, mais Freddy Leveau nous l’a bien décrit… « J’ai été très impressionné en longeant un feu de forêt sur 23 km, mais encore plus quand mon collègue m’a expliqué que ce n’était que la largeur d’un feu s'étalant sur une profondeur de 65 km !… » ;
-   bien sûr les multiples dégâts causés à la nature, aux habitations et aux bâtiments, mais aussi les pertes subies par la faune, en partie dans les propriétés clôturées… ;
-   et la cohésion de groupe, habituelle chez les pompiers, mais qui se démultiplie sur ce genre d’opération…
Chaque colonne part avec une autonomie de 48 heures (paquetage, nourriture, couchage, etc.). La logistique est ensuite assurée par les SDIS ʺreceveursʺ qui bénéficient de ces nombreux renforts. Nos pompiers ont tous été fortement marqués par la qualité de l’accueil, la générosité et la solidarité des habitants pour assurer la nourriture, l’hébergement et toute la logistique nécessaire pour ces centaines de pompiers, et l’engagement des agriculteurs (et bien d’autres professions…) avec leur matériel. Et partout des messages de reconnaissance, qui donnent du courage à tous et font oublier (un peu…) la fatigue que procure ce travail harassant. Citons également ces habitants contraints d’évacuer leur maison, mais qui la mettaient à disposition des pompiers pour qu’ils puissent y prendre une douche ou se changer…
Notons également d’étranges rencontres avec des personnes qu’on soupçonne fortement d’être des pyromanes, au cœur des zones sinistrées (dont les accès étaient pourtant interdits), et qui disparaissent rapidement quand elles se voient repérées…

Différents types de mission
Selon les endroits et les périodes, différents types de mission ont été vécues, et notamment :
-   l‘attaque contre le feu, dont nous avons pu voir les images spectaculaires à la télévision ; précisons qu’à ce poste, les pompiers sont en activité 3 jours maximum et sont ensuite relayés par des collègues,
- la protection des biens, notamment les habitations bien sûr, mais aussi les exploitations agricoles, les bâtiments industriels et autres points sensibles, ou des endroits plus insolites comme cette propriété privée du Maine et Loire où étaient encore enterrés des obus des Première et Seconde Guerres mondiales qui explosaient au contact des flammes…
-   le « noyage » pour éviter que le feu ne reprenne là où il continue à se propager en surface ou couve en souterrain ; il fallait parfois creuser à la pelle, pour atteindre plus rapidement ces racines vecteurs de feu…,
-   le pilotage des opérations d’intervention pour la mise en place des hommes et le matériel, y compris les canadairs et autres matériels volants, l’étude des prévisions météorologiques, etc.
- les missions quotidiennes pour les centres locaux, dont les moyens en hommes et en matériel étaient mobilisés sur le front des incendies.
Les nuits sont courtes dans ces missions, et l’on dort en général à la belle étoile sur des lits Picot(3) ; le matin la colonne part avec chaque membre équipé de son paquetage, car on ne revient pas forcément au même endroit le soir…

Nos pompiers sur le front des incendies de forêt
Nos pompiers sur le front des incendies de forêt
Une expérience enrichissante à plus d’un titre
Chacun a vécu des expériences nouvelles, qui laissent de nombreux souvenirs, gravés pour longtemps dans les mémoires et bien sûr en premier lieu l’ampleur de ces incendies et leur vitesse de propagation : « Nous avions connu dans nos régions des feux de forêts de 50 à 100 ha, à des vitesses de propagation de l’ordre de 10 m en 5 minutes… Pour les sinistres de cet été, il s’agissait de feux de plusieurs milliers d’hectares pouvant se propager à des vitesses de 3 à 4 m par seconde (voire plus selon la végétation et les conditions météorologiques…), notamment dans les forêts de résineux. Dans certains cas, on a peine le temps de réagir pour protéger les hommes [la priorité absolue] et le matériel…, et l’on peut se faire avoir… ».

Toutes ces missions leur ont également permis de beaucoup apprendre dans différents domaines :
·  la lutte contre les grands feux bien sûr, mais aussi l’organisation et la direction d’opérations d’envergure, bien différentes des interventions habituelles ;
·  les techniques de lutte contre le feu avec des pratiques différentes selon les régions, la nature et la configuration des terrains ;
·  la vie en groupe et la solidarité ;
·  et bien d’autres comme la conduite des véhicules dans le sable, la lecture des cartes et l’orientation dans une région inconnue…

Ces missions sont également enrichissantes pour réfléchir à la protection de nos forêts locales et se préparer aux sinistres qui nous menacent. Vu l’évolution du réchauffement climatique, le risque d’incendies de grande ampleur augmente dans nos régions, et il est grand temps de réfléchir (élus, ONF, SDIS, propriétaires, etc.) pour s’y préparer : nettoyage des forêts (certaines sont très bien entretenues, d’autres ne le sont pas du tout), réserves en eau, moyens de lutte adaptés et en nombre suffisant, formation des hommes, information de la population. On pense aux forêts bien sûr, mais cela concerne aussi les cultures, les friches et les jardins où chacun se doit d’être vigilant et prudent… quand on sait qu’on peut déclencher un incendie avec une étincelle provoquée par un engin agricole, un taille-haie ou une tronçonneuse…

Ces incendies dramatiques auront marqué cet été 2022, causant des dégâts monstrueux. Mais ils ont aussi permis à nos pompiers de vivre des expériences enrichissantes dont ils sauront tirer des enseignements très utiles pour l’avenir de leurs missions et la sauvegarde de notre environnement.

Profitons-en pour rappeler que la caserne de Cour-Cheverny (et beaucoup d’autres…) cherche toujours à recruter… Une dizaine de nouvelles recrues seraient les bienvenues…

P. L.

(1) SDIS : Service départemental d'incendie et de secours.
(2) La colonne d’intervention feux de forêts est composée d’1 chef de colonne et son adjoint, de 4 GIFF (Groupement d’intervention feux de forêt) avec 4 chefs de groupe, et d’un infirmier. Le GIFF se compose d’1 VLTT (véhicule de liaison tout terrain), 4 CCF (camion citerne feux de forêt), chacun équipé de 4 sapeurs-pompiers,  et de 2 VTU (véhicule tous usages) ; la composition de la colonne est conçue pour faire face à un front de feu de l’ordre de 100 mètres.
Nos pompiers sur le front des incendies de forêt
(3) Lit Picot :  en 1877 à Paris, le dénommé Jules Picot prend un brevet pour un nouveau type de « lit de camp » constitué d'une toile fixée à deux longerons équipés chacun de trois pieds qui, en s'écartant, donnent la tension à la toile. Ce couchage est adopté par l'Armée française en raison de son faible encombrement et de sa légèreté (pour l'époque). Il permet aussi de dormir en hauteur et ainsi de rester à l'écart des insectes, de l'humidité, de l'inconfort du sol, etc. Ce lit accompagna le quotidien des troupes en campagne tout au long du XXème siècle (et encore de nos jours) au point de faire entrer le nom de son inventeur dans le langage courant… (Source La Montagne.fr). 

La Grenouille n°58 - Janvier 2023

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