Augé et Fils, taxidermistes à Cour Cheverny depuis 1945 : une affaire de famille !

 La Grenouille chez le taxidermiste, avouez que ce n’est pas banal !!!
Accueillie par les frères AUGÉ dans l’atelier de l’entreprise familiale, La Grenouille a eu le plaisir de découvrir ce métier très particulier.
Tout commence en 1945…
Dans son adolescence, Pierre Augé, courchois de naissance, pratiquait la peinture animalière pour ses loisirs et envisageait d’en faire son métier. Il s’exerçait également à la taxidermie, appelée à cette époque « l’empaillage »…
La seconde guerre mondiale va l’écarter des ses loisirs… et l’amener à s’engager très jeune dans la Résistance, où il combattra dans les maquis de la région.
Jean-Yves et Laurent dans l'atelier
Au retour de cette période tragique, il s’agit pour lui de gagner sa vie… Pierre ne suivra pas la voie de son père Gabriel qui exerçait le métier de tonnelier et de courtier en vin dans son atelier situé boulevard Carnot à Cour-Cheverny : il n’avait que la rue à traverser pour transporter  les barriques à la gare… C’est dans cet atelier qu’en 1945, à l’âge de 24 ans, Pierre décide de créer son entreprise de taxidermie. 70 ans plus tard, c’est au même endroit que les frères Augé nous ont fait découvrir leur entreprise…
Le loisir et la passion de Pierre se sont transformés en un métier, qu’il apprendra par lui-même jusqu’à devenir meilleur ouvrier de France, puis un expert de cette technique et un précurseur dans certains domaines très pointus de la taxidermie.
Jérôme travaillant sur la tête
d'un jeune cerf
Il saura également donner le goût du métier à ses enfants, puisque l’entreprise est devenue familiale avec sa fille Evelyne, et ses 3 fils Jean-Yves, Laurent et Jérôme, qui ont appris le métier avec lui et ont ensuite pris le relai lorsque Pierre est décédé en 1988.
L’entreprise a compté jusqu'à 10 salariés. Jean-Yves, le fils aîné, qui a commencé le métier à 14 ans a pris sa retraite au début de cette année ; Laurent et Jérôme maintiennent désormais l’activité « en tandem ».

La taxidermie c’est quoi ? :
La taxidermie est l'art de donner l'apparence du vivant à des animaux morts. Le métier correspondant est celui de taxidermiste.
Le terme provient du grec ancien  táxis (ordre, arrangement) et de  derma (la peau). Il apparaît pour la première fois dans le Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle (1803-1804) de Louis Dufresne (1752-1832).(1)
Remontage de la peau 
sur le mannequin
Le taxidermiste est aussi parfois appelé « naturaliste », et on « naturalise » un animal.
Un art, mais aussi une technique, qui fait appel à de nombreux domaines, et qui reste une activité très artisanale : chaque oeuvre est différente, il n’y a pas de machines, ni de  travail en série…
Inutile de préciser que les taxidermistes sont de grands spécialistes du monde animal, possédant une connaissance détaillée de chaque animal… Ils sont aussi des « touche-à-tout », capables de fabriquer les outils ou accessoires spécifiques qui n’existent pas dans le commerce…
Les clients sont aujourd’hui essentiellement des chasseurs de la région, qui veulent garder trace d’un animal (tête de sanglier, cerf, chevreuil, oiseau...) comme trophée. Mais nous verrons plus loin qu’il peut y avoir d’autres commandes très originales…
Autrefois, les musées faisaient également partie de la clientèle, mais désormais ils ont souvent leurs propres taxidermistes. On se souvient aussi qu’autrefois de nombreuses écoles possédaient une galerie d’animaux naturalisés, utilisés dans les cours de sciences naturelles….

Comment pratique-t-on l’art de la taxidermie ? 
L’animal arrive congelé (autrefois ce n’était pas le cas, et il fallait faire vite…). Il faut ensuite l’ouvrir, le dépecer avec le plus grand soin pour ne rien abimer, le décharner.
La peau est ensuite traitée : lavage, salage, dégraissage, tannage par imprégnation de substances naturelles ou chimiques, graissage pour l’assouplir, finitions et séchage 2 à 3 semaines : il faut maintenir une bonne température dans l’atelier (au feu de bois chez les Augé)…
Plus d'une centaine de moules
pour fabriquer les mannequins
Il faut ensuite « remonter » la peau sur un « mannequin » : celui-ci est fabriqué en mousse de polyuréthane, à partir de moules en plâtre. Pierre AUGÉ fut un précurseur en ce domaine : « il a utilisé les mousses de polyuréthane en 1963, avant les américains ! ». Il a lui-même créé plus d’une centaine de moules, qui servent encore aujourd’hui. Auparavant les mannequins étaient constitués d’armatures métalliques, bourrés ensuite (avec délicatesse !) avec du frison (rognures de bois).


Mannequins d'ois
Le « remontage » consiste donc à « habiller » le mannequin avec la peau traitée, mais aussi l’ajuster, la coudre (à l’aiguille, mm par mm…), donner la forme (par exemple aux oreilles), installer les « accessoires » : langues et palais, eux aussi moulés sur place, et les yeux qui eux sont importés d’Allemagne ; la collection d’yeux, soigneusement classée, est étonnante, ainsi que le répertoire créé par Pierre AUGÉ, qui recense les caractéristiques des yeux (taille, couleur, mais aussi direction du regard et autres détails très précis) de tous (ou presque !) les animaux du monde…

Une collection d'yeux impressionnante !

Reste ensuite la finition qui consiste à effectuer d’éventuelles retouches, s’assurer que tout est parfaitement en place pour approcher au plus près de la réalité… Le résultat est impressionnant, surtout quand on connaît le travail à accomplir pour le réaliser (par exemple une trentaine d’heures de travail sur la tête d’un jeune cerf).
Notons également la difficulté que constitue le travail sur les oiseaux, avec les plumes et une peau très fragiles pour certains…
Une œuvre de qualité ne bougera pas au cours du temps.

L’ouvrage le plus extraordinaire réalisé par la famille Augé ? : une vache de Sallers, commandée par une fromagerie du Cantal dans les années 80 ! Toute une aventure… : il a fallu créer le mannequin de toute pièce, en partant d’un profil en contreplaqué, puis en créant une armature métallique sur laquelle a été monté un profil en mousse qu’il a fallu sculpter pour approcher petit à petit de la bonne silhouette, à partir de photos et d’une vache réelle : un souvenir inoubliable pour la famille Augé !!!!
Dans le même style, l’entreprise a réalisé un exemplaire unique de léopard, de lion, de tigre...

Réglementation :
La profession est très réglementée, et les taxidermistes sont régulièrement contrôlés : la législation autorise seulement la naturalisation du gibier (ou des poissons) et des animaux domestiques (sous certaines conditions) ; il est interdit de naturaliser les animaux protégés (ce qui est le cas de 90 % des espèces),  sauf autorisation exceptionnelle. Le taxidermiste n’a le droit d’agir que comme prestataire de service et n’est pas autorisé à vendre un animal naturalisé.

La profession est organisée au sein du Syndicat des Naturalistes Taxidermistes de France, dont  Pierre AUGE a été Président plusieurs années, au cours desquelles il a notamment participé à la création du CAP de taxidermiste, pratiqué dans un centre de Formation à Meaux, mais qui a fermé il y a quelques années.
La profession a connu de grandes mutations, passant de 1 000 (ou plus) taxidermistes en France à une certaine époque, à 120 environ aujourd’hui, dont 9 dans le Loir et Cher… La demande baisse…

Merci à la famille Augé de sa disponibilité pour nous faire partager sa passion et son savoir-faire.

Pour en savoir plus… :
Le site de l’entreprise Augé Taxidermistes :
et pour en savoir plus sur la taxidermie :

(1) : source Wikipédia

Le Triton 

La Grenouille n° 20 - Juillet 2013 (article condensé par rapport au texte ci-dessus)

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