Les
montgolfières sont bien visibles lorsqu’elles décollent de Cour-Cheverny en se
dirigeant vers le château de Cheverny, mais elles cachent bien des secrets que seuls
des initiés peuvent nous dévoiler… Chantal et Benoît Loirat, et Brice Deloison,
tous trois courchois, nous permettent aujourd’hui d’en savoir un peu plus sur le
sujet…
Le
hasard des rencontres
Chantal a
obtenu son brevet de pilote d’avion en 1995, à l’âge de 48 ans, et pratiqué l’aviation
pendant de nombreuses années. Certains se souviennent aussi l’avoir vue, en
1998, sauter en parachute déguisée en mère Noël au-dessus du Centre commercial Blois
2 (à Villebarou) dont elle était alors la directrice. C’est à cette époque qu’elle
fait la connaissance de la société France Montgolfière et assiste au décollage
d’une montgolfière.
Chantal
Loirat : « J’ai
été littéralement envoûtée par ce spectacle et ai décidé peu après de passer ma
licence de pilote de montgolfière… Benoît [qui était alors agent commercial dans le
secteur de la décoration] a fait de même un an plus tard ».
De la
passion au métier
Chantal et
Benoît décident alors de faire de cette nouvelle passion leur métier. En 2000, ils
font l’acquisition de leur premier ballon (une montgolfière coûte entre 20 000
et 100 000 € selon la taille) et du matériel qui va avec : véhicule 4 x 4,
remorque, etc. Ils créent la société « Au Gré des Vents » avec son siège social
à Fontaines-en-Sologne où ils résidaient à l’époque(1). Cette
création impliquait également de s’assurer, de créer un site internet et d’acquérir
tout ce qui permet de faire fonctionner une entreprise. Ils installent un peu
plus tard un hangar au Controis-en- Sologne.
L’entreprise
assurant, comme une compagnie aérienne, le « transport aérien de passagers à titre
onéreux », elle doit être en possession d’une licence d’exploitation que
délivre la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) à la suite d’un audit
très précis de l’ensemble des matériels utilisés, du manuel d’exploitation
(Manex (2)) et des livres de compte, audit renouvelé chaque année ou
dès qu’un matériel comptabilise 100 heures de vol.
Autre
parcours…
Brice
Deloison a eu un parcours différent, mais dans les mêmes années. Installé à Cour-Cheverny
en 1994 pour créer avec son épouse une activité de chambres d’hôtes, il a eu l’occasion
de participer au gonflement du ballon captif qui fonctionnait au château de Cheverny
de 1995 jusqu’au début des années 2000. Il a également agi dans le « retrouving
» (voir plus loin) pour des amis, et c’est ainsi qu’il s’est lui aussi décidé à
passer sa licence de pilote la même année que Benoît. Il a ensuite piloté des
montgolfières pour plusieurs sociétés dont « Au Gré des Vents », puis de 2004 à
2015 pour la marque Bonne Maman de la biscuiterie controise Morina pour emmener
des clients de cette société. Il a également accompli de très nombreuses
missions au service de la société Aérophile pour l’installation et la
maintenance de ballons captifs, aux quatre coins du monde sur les cinq
continents.
Une
solide formation
Le pilotage
d’une montgolfière est réglementé par la DGAC et l’obtention de la licence de
pilote d’aérostat implique une formation auprès de l’École française d’aérostation.
Elle impose une visite médicale par un médecin agréé et un entraînement sous la
direction d’un instructeur. Pour se présenter à l’examen, il faut avoir
effectué au moins 16 heures de vol en qualité de pilote de ballon libre à air chaud,
29 décollages et atterrissages, et un vol en solo de 30 minutes.
L’obtention
de la licence est soumise à une épreuve théorique portant sur les instruments et
éléments techniques composant les matériels, leur préparation et leur
entretien, leur utilisation en vol, les contraintes de sécurité et de
navigation, les radiocommunications, les conditions particulières de certains
vols, les caractéristiques de l’utilisation des gaz, l’appréciation des
phénomènes météorologiques et atmosphériques, la réglementation générale et les
dispositions spécifiques à l’aérostation, sans oublier les facteurs
physiologiques et psychologiques humains.
L’épreuve
pratique porte sur la préparation du vol, les opérations techniques de
dépliage, gonflage, dégonflage, repli et rangement du ballon, les actions de
pilotage, la mise en application des procédures d’urgence et l’utilisation
conforme des équipements de radiotéléphonie.
Le
renouvellement annuel de la licence est soumis à une visite médicale et à une
épreuve pratique si l’aérostier n’a pas pratiqué au cours des douze derniers
mois.
On peut
souligner que cette activité nécessite également de se former au « retrouving »
(récupération des passagers et de la montgolfière) car c’est au pilote de savoir
indiquer précisément sa position au « récupérateur » : la montgolfière se
repère facilement quand elle est en hauteur, mais est beaucoup moins visible
quand elle approche du sol et se pose…
Un
principe de fonctionnement très simple (3)
Selon les
modèles, les montgolfières peuvent transporter de 2 à 12 personnes, avec des ballons
d’un volume de 6 000 à 12 000 m3.
Avant le
départ, la montgolfière est arrimée à un véhicule 4 x 4 et les préparatifs
minutieux nécessitent beaucoup d’attention.
Le site Hautesalpesmontgolfiere.com
nous donne
des explications très claires sur le fonctionnement de la montgolfière.
L’air
enfermé dans le ballon est chauffé par la flamme du brûleur. Les molécules d’air
enfermées dans l’enveloppe s’agitent, elles deviennent plus distantes, moins
denses. Elles montent alors vers le haut de l’enveloppe. Une fois au sommet,
elles exercent une poussée verticale : la montgolfière s’élève ! C’est la différence
de température entre l’air interne (de 60 °C sur les côtés à 90 °C en haut) et
externe à l’enveloppe qui permet à la montgolfière de continuer à voler. Le
pilote du ballon chauffe donc régulièrement l’air contenu dans la montgolfière
afin de rester dans les airs.
Plus il va
chauffer, plus l’écart de température interne/externe à l’enveloppe sera grand,
et plus la montgolfière montera vite. L’aéronaute règle ainsi la vitesse d’ascension
de la montgolfière.
Le pilote
ralentit le rythme de chauffe pour mettre la montgolfière en descente. Il règle
la fréquence de chauffe par rapport à la vitesse de descente qu’il désire
adopter. Une fois posé, il manoeuvre à l’aide d’une corde le « parachute » :
situé à l’intérieur du ballon, il permet de libérer l’air chaud et de vider le
ballon.
Pour
permettre à chacun d’admirer le paysage dans toutes les directions, il peut
aussi faire pivoter la montgolfière sur elle-même, grâce à deux vantaux
latéraux actionnés par une corde, qui permettent de libérer de l’air chaud et
créer ainsi un mouvement de rotation. Ce dispositif permet également d’orienter
correctement la montgolfière lors de l’atterrissage.
Au gré
du vent…
La
montgolfière est le seul aéronef qui n‘a pas de vitesse horizontale dans la
masse d’air. Elle se déplace avec la masse d’air, à la même vitesse, ce qui
fait que les passagers n’entendent aucun bruit. Si le vent est de 10 km/h, la
montgolfière se déplacera donc à 10 km/h.
Au moment du
départ, on lâche un petit ballon gonflé à l’hélium, pour voir la direction et
le comportement du vent en altitude. Il appartient au pilote de trouver la
masse d’air ayant la direction qui l’intéresse. Il s’aide pour cela des prévisions
météo, qui sont de plus en plus précises, et d’instruments de navigation :
compas, altimètre, variomètre (qui mesure la vitesse verticale), récepteur GPS
et équipement de communication radio. Il est donc capable de prévoir les
vitesses et directions du vent aux différentes altitudes. Il positionne sa
montgolfière à l’altitude qui lui permet d’avoir le bon cap.
Le brûleur
fonctionne au gaz propane. Les vols durent environ une heure, permettant de parcourir
de 10 à 25 km, et on embarque la quantité de gaz suffisante pour assurer une bonne
marge de sécurité.
Les vols
touristiques se situent en général à une altitude de l’ordre de 1 200 m
(altitude autorisée dans notre région), mais une montgolfière peut aller
beaucoup plus haut (10 000 m), sachant qu’à partir de 3 800 m d’altitude, l’oxygène
à bord est obligatoire.
En été, les
vols ont lieu en général le matin, entre 5 h et 9 h avant que les thermiques (courants
verticaux) ne se forment, et le soir entre 18 h et 19 h lorsque les thermiques
se calment. En automne et au printemps, les vols du matin commencent un peu
plus tard (8 h) et ceux du soir un peu plus tôt (16 h).
Dans la
mesure du possible, la montgolfière se pose sur des chemins, facilitant ainsi
la récupération… Mais ce n’est pas toujours possible, et il arrive de se poser
en terrain privé, en essayant d’éviter les cultures ou la présence d’animaux.
Lorsque la
montgolfière est posée, et le matériel replié (avec l’aide des passagers),
chaque passager reçoit son « diplôme d’honneur d’Aéronaute » et l’on débouche
le champagne pour finaliser ces moments inoubliables…
La tête
en l’air…, mais les pieds sur terre…
Comme dit
précédemment, le principe de fonctionnement est simple…, mais de solides compétences
sont requises pour piloter !
Outre les
compétences techniques évoquées à propos de l’obtention de la licence, l’aéronaute
doit présenter un profil calme pour maîtriser l’ensemble des paramètres de vol,
rigoureux (respect des procédures), attentif (par exemple pour observer les
nuages : les alto cumulus annoncent des tourbillons…) et doit faire preuve d’autorité
pour que les passagers respectent strictement les règles de sécurité…, ou quand
ils demandent de prolonger le vol… (« Mais il fait encore jour, on pourrait
continuer ! » - Réponse : « En altitude il fait
jour, mais la terre étant ronde, au sol la clarté a déjà diminué… »). À ce sujet, Benoît nous
précise que «
depuis la montgolfière, on ne distingue pas les fils électriques, on ne voit
que les poteaux… », et « qu’on doit se poser au
moins 30 minutes avant le coucher du soleil ».
Il faut
aussi savoir organiser et gérer les plannings qui sont assez complexes :
réservations des clients, programmation des vols, annulations pour cause de
météo ou autres, répartition des personnels…, et bien sûr gérer tout le côté
administratif et financier.
Une
belle aventure humaine
« Au Gré des
Vents » (4), société créée par Chantal et Benoît, a employé une
vingtaine de personnes : pilotes, récupérateurs et secrétaire - poste occupé
par Christelle -, dont certains à temps partiel, et possédait 5 ballons. Une
belle équipe soudée, que Chantal et Benoît remercient pour tout le travail
accompli. L’entreprise a fonctionné une vingtaine d’années, jusqu’en 2018. Elle
est maintenant installée au Controis-en-Sologne et appartient à Kevin Duval,
formé par Chantal et Benoît, qui a repris le flambeau avec succès. Un successeur
dont ils sont très fiers quand ils constatent son courage et sa détermination pour
continuer cette belle aventure.
Dans les
premières années, les montgolfières décollaient du château de Cheverny ; puis
les lieux de décollage se sont diversifiés : terrain de Chantreuil à
Cour-Cheverny, Chenonceaux, Chaumont-sur-Loire, Villesavin, Fougères-sur-Bièvre,
Saint-Aignan, Chambord, Blois en bord de Loire, lieux soumis à l’agrément de la
DGAC. Ils sont principalement choisis en fonction de la direction du vent, pour
orienter le voyage vers certains sites (par exemple le terrain de Chantreuil à
Cour-Cheverny pour survoler le château de Cheverny avec un vent de Nord-Est).
Des
souvenirs pour toujours…
Nos trois
aréostiers gardent un excellent souvenir de ces années d’activité… Outre la beauté
des paysages rencontrés sur notre territoire ou ailleurs, le plaisir de
rencontres avec de nombreuses personnes dont beaucoup d’étrangers de tous les
pays (Au Gré des Vents transportait environ 6 000 personnes chaque année), ils
ont aussi en mémoire de nombreux moments très particuliers… Ils évoquent aussi
l’observation des animaux sauvages, l’odeur des châtaigniers en fleurs ou les
survols de la Loire au ras de l’eau…
Benoît se
souvient de cette passagère qu’il a vue, en se retournant, tranquillement
assise sur le rebord de la nacelle… C’est là qu’il faut faire preuve d’autorité
!...
Il arrive
fréquemment que le vol en montgolfière serve de cadre à une demande en mariage
ou en fiançailles… Mais cela peut s’avérer comique, comme le jour où ce jeune homme
a sorti la bague de fiançailles de son écrin pour l’offrir à sa dulcinée, mais
qui lui échappa des mains… Elle était heureusement tombée au fond de la
nacelle, mais le reste du vol consista à rechercher le précieux bijou… Souvenir
également de cette banderole déployée au sol juste après le décollage par un
complice, et qui disait : « Virginie, veuxtu m’épouser ? ».
Il y eut
parfois quelques atterrissages au milieu des vaches et des taureaux « On se croyait à Intervilles
!... », mais aussi
cet accueil très particulier d’une biche dans une propriété privée, sans doute
apprivoisée, qui est venue à la rencontre des occupants de la nacelle.
Un souvenir
marquant pour Brice lors de ce vol avec un couple… : le jeune homme, très fier
et très heureux, lui indiqua à l’arrivée qu’il avait demandé la demoiselle en
mariage pendant le vol, demande acceptée… Brice lui fit part également de sa
fierté et de son bonheur, car c’était son premier vol avec passagers !...
À votre
tour…
Nombreux
sont nos lecteurs à avoir déjà volé en montgolfière… Pour les autres, nul doute
que ces quelques lignes vont les inciter à le faire…
P. L.
Merci
à Chantal, Benoît et Brice de nous avoir permis de partager leur passion et
leurs connaissances. P. L.
(1) Chantal
Loirat a été maire de Fontaines-en-Sologne de 2001 à 2008.
(2) Manex
: Manuel d’exploitation où sont indiquées toutes les caractéristiques du vol.
(3) Sources
: • www.hautesalpesmontgolfiere.com/ • www.lavionnaire.fr – •
www.ecole-francaise-aerostation.com/ - Wikipédia
(4) www.au-gre-des-vents.net
Quelques dates
• 1782 : les frères Etienne et Joseph de Montgolfier font leurs premiers essais avec un ballon en papier rempli d’air chaud.
• 25 avril 1783 : premier vol d’une montgolfière à Annonay en Ardèche, à une hauteur de 300 m.
• 19 septembre 1783 : vol d’une montgolfière à Versailles, en présence du roi Louis XVI, avec comme passagers un coq, un canard et un mouton.
• 19 octobre 1783 : premier vol habité par des humains, avec un ballon captif (relié au sol), avec à son bord Jean-François Pilâtre de Rozier et Giroud de Villette qui s’élèvent à 130 m d’altitude. • Les vols en montgolfière se sont ensuite multipliés, pour les loisirs mais aussi pour des usages militaires (observation, déplacements), pour la cartographie, la photographie aérienne, etc.
• À la fin des années 1950, l’utilisation d’une fibre synthétique pour l’enveloppe (le nylon), et d’un gaz de pétrole liquéfié (le propane) comme carburant, allait relancer la montgolfière, en permettant un usage souple et sécurisé. Les premières montgolfières ainsi modernisées volent d’abord aux États-Unis. Elles arrivent en France en 1972.
• De nombreux ballons captifs ont été utilisés pour les loisirs, comme ce fut le cas au château de Cheverny jusqu’en 2005. Source : Wikipédia Chantal
La Grenouille n°64 - Juillet 2024