Après la tragédie, retour à la vraie vie
En cette période de sortie de guerre, après cinq années de privations, la jeunesse française avait soif de distractions et d’activités diverses. Le travail repartait bien sûr de plus belle, mais aussi les activités sportives de toutes natures. C’est d’ailleurs, en 1947, la reprise du Tour de France, qui verra la victoire du Français Jean Robic.
Dans nos communes, L’ESCCC, Étoile sportive de Cour-Cheverny et de Cheverny, comportait au sein de son club une section de chacune de ces activités. Le vélo était alors le moyen de transport le plus utilisé dans nos campagnes. Et c’est tout naturellement que de nombreux jeunes du pays, galvanisés par la victoire de Jean Robic, se mirent à rêver de l’imiter. Une coupure du journal, La Nouvelle République datant de la saison 1947/1948, avec photo et texte de l’époque nous est parvenue récemment. Il s’agit d’une photo des coureurs de l’ESCCC de cette époque avec le nom de chaque licencié, attestant de l’engouement pour cette activité.
Yves Cadoux fut de ceux-là
Cet ancien habitant de Cheverny, aujourd’hui âgé de 98 ans, toujours bon pied bon oeil et l’esprit vif malgré des jambes quelque peu défaillantes, et habitant à Saint-Gervais-la- Forêt, nous a permis de faire revivre cette époque.. Alors qu’il rangeait ses affaires en vue d’un projet de déménagement vers la maison de retraite de Cour-Cheverny, il a retrouvé un article de La Nouvelle République où figure la photo culte de l’équipe de vélo de l’ESCCC de la saison 1947/48. Les noms des coureurs et les commentaires de l’époque figurent dans cet article datant du mois d’avril 1947. Malheureusement, tous les licenciés n’y figurent pas, et si Yves Cadoux s’est identifié comme étant le deuxième à partir de la gauche, il n’a pu identifier ses camarades de club avec certitude.
Il souhaitait que ce témoignage de sa jeunesse et de ses premiers pas dans cette section ne soit pas perdu. Connaissant toujours l’existence de son ancien club, il plaça la coupure du journal dans une enveloppe avec une carte de visite, et comme une bouteille à la mer, il l’adressa à l’ESCCC à Cour-Cheverny, sans adresse précise. Le facteur, des plus compétents, trouva le bon interlocuteur en la personne de Robert Verdure, membre du VBR (Vélo entre Bruyère et Roseaux), qui la fit parvenir à Michel Bourgeois, secrétaire de cette section de l’ESCCC.
On retrouve dans cet article de la NR les noms de : Talon, Garré, Beaufils, Mahoudeau, Vannier, Louzon, Chartrain, Huet, Thomasson, Gauthier, Durand, Cadoux, Bray, Chéron, Chauveau, Régnier, Moreau, et Chateau. De nombreux noms de cette liste sont encore dans la mémoire de nos anciens et plusieurs d’entre eux ont des descendants habitant nos communes ou les environs. Par exemple, Yves Cadoux a des petits cousins dans la famille Cadoux du domaine le Portail à Cheverny.
Ce groupe de 18 licenciés, relativement conséquent pour nos petites communes est à l’époque conseillé par Antonio Barbosa, ancien champion régional. Le président d’honneur est le docteur Jean Grateau, le président actif Aimé Baudoin, le vice-président Jean Charbonnier, le secrétaire-trésorier Marceau Beaufils. Sur une autre photo d’époque, on peut facilement reconnaître Marcel Garré (maillot clair et coiffé d’un casque), qui perdit la vie l’année suivante dans un accident causé par un spectateur lors d’une course dans la région. Cette section de l’Étoile va perdurer sous cette forme jusqu’à la moitié des années 1950.
Coureur cycliste et agriculteur vigneron
Une rapide mise en relation avec Yves Cadoux fut décidée afin de le remercier et d’en connaître plus sur sa personnalité : il est né à Cheverny le 1er février 1926 dans une modeste famille d’agriculteurs, au lieu-dit les Pressoirs-Rouges. Avec son unique frère, c’est à Cormeray qu’il effectue sa scolarité, jusqu’à ses 6 ans. Puis il suit ses parents à Fontaines-en-Sologne où ils exploitent une ferme au lieu-dit Carbonneau. Il fréquente l’école de cette commune jusqu’à ses 13 ans mais son implication dans les travaux de la ferme l’empêche d’aller jusqu’au CEP. Puis, à 19 ans il passe son permis véhicules légers et entreprend des cours par correspondance afin d’améliorer ses connaissances générales. C‘est juste après la guerre, après avoir échappé au STO (1), qu’il effectue son service militaire. Il est appelé en 1946 au 1er Régiment d’infanterie coloniale de La Vallebonne (Ain) à 30 km à l’est de Lyon, d’où il sort comme sergent.
C’est au retour à la vie civile, après avoir passé ses permis de poids-lourds et de transport en commun qu’il est attiré par une activité sportive, même si, comme il dit : « Le travail à la ferme, c’était déjà du sport »
… Malgré des entraînements des plus limités, il participe aux courses de la région, où il se rend avec plusieurs coéquipiers, bien sûr à vélo, les parents n’ayant pas d’automobile. Il faut préciser qu’à cette époque, lors d’une fête dans une localité, une course cycliste était souvent organisée. De ce fait on trouvait à courir dans un rayon de 25 km autour de Cheverny et ces courses de kermesses excédaient rarement les 80 km. Les maillots de l’époque n’étaient pas fournis par le club mais par les marques de cycles. Yves Cadoux courait sur cycles Peugeot. On pouvait voir aussi des cycles La Perle, Vaury, Lyjak, Helyet, etc, ce qui explique que sur les photos, les maillots étaient si disparates.
Yves Cadoux vigneron
Yves Cadoux se marie en 1950 avec Jeanine Berland de Contres. Il suit son épouse à Chémery au Chêne Vert, domaine de son beau-père. Il y travaille durement pendant de nombreuses années. Ensuite, Yves et son épouse viennent habiter dans leur propre domaine à Soings-en-Sologne. Ils exploitent ensemble ce domaine viticole qu’ils modernisent et agrandissent. Vers 1965, ils vinifient leur production en AOC Touraine. Après le décès de son épouse en 1982, Yves continue seul jusqu’à sa retraite en 1988. Père de deux filles dont l’une habite avec sa famille une partie de l’année au Canada, Yves Cadoux est 5 fois grand-père et 7 fois arrière-grand-père.
Le plus ancien des licenciés de l’Étoile
L’ESCCC vient de fêter son centenaire, puisqu’elle fut fondée en 1922. On peut, sans risque de se tromper, affirmer que Yves Cadoux est sans conteste, avec ses 98 printemps, le plus ancien licencié de ce club encore parmi nous. Il est toujours passionné par le vélo et ne rate jamais une occasion de suivre le Tour de France à la télévision.
Nous lui souhaitons la réalisation de son projet de rejoindre prochainement l’Ehpad de la Favorite et l’espérons devenir un fervent lecteur de « La Grenouille ».
M. B. ■
(1) Le Service du travail obligatoire (STO) consista, durant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, en la réquisition et le transfert vers l’Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français contre leur gré, afin de participer à l’effort de guerre allemand (Wikipédia).
La Grenouille n°63 - Avril 2024
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